Paris, mardi 2 janvier.
« On se voit dans un an ! »
Après des derniers au revoir, je rejoins ma porte d’embarquement et monte dans le premier de trois avions qui me portent à Hobart, en Tasmanie.
Là-bas, je m’installe dans l’Astrolabe : un brise-glace de 72 mètres de long, rouge vif, opéré par la Marine Nationale, qui prend le large quelques jours plus tard. Semblant avoir été optimisé pour la glace plutôt que pour les mers agitées qu’il traverse, il danse dans les vagues. Sa valse, rarement appréciée par les organismes des passagers, lui vaut le surnom de Gastrolabe. Je pensais sa réputation exagérée. Je comprends vite qu’elle ne l’est pas : dès les premières heures, la nausée remplace l’excitation du départ chez la plupart des passagers.
Le lendemain, le bateau semble presque vide. On croise juste, parfois, quelques créatures apparentées aux zombies : un visage pâle, un regard vide, une démarche titubante et répondant aux « Ça va ? » par un grognement à la limite de l’intelligible. Les mouvements de l’Astrolabe ont d’autres effets : on voit parfois des objets glisser à travers la pièce et des passagers marcher comme des ballerines éméchées pour compenser les mouvements du navire.
Le soir du quatrième jour, tout le monde sort sur le pont : en face, au milieu du paysage trop familier de la mer à perte de vue, se dresse un iceberg. Des morceaux de glace plus petits flottent çà et là. Pas de doute : on s’approche.


Le lendemain, les glaçons deviennent plus fréquents. Parfois, des formes noires se détachent du blanc. Petites, ce sont le dos de manchots Adélie ; plus imposantes, sont des phoques de Weddell. Dans l’après-midi, les plateformes gelées forment une couche presque continue. Cela n’arrête pas le brise-glace : dans un grondement métallique, l’Astrolabe fend la masse blanche.
Puis, presque soudainement, les glaces deviennent rares. L’eau, houleuse les jours précédents, est lisse comme celle d’un lac, troublée seulement par le navire et par d’occasionnelles baleines venues respirer à la surface. Une masse blanche, au loin, se précise : le continent Antarctique, ceint de banquise.


Nous nous approchons. Droit devant nous, un groupe de manchots approche. Certains courent en se dandinant, d’autres glissent sur le ventre en se propulsant avec leurs pattes et leurs ailes. Arrivés au bord, ils plongent, s’arrêtent, ou repartent en sens inverse. Leur comportement semble échapper à toute logique. Je m’amuse de leur démarche maladroite qui leur donne l’air de lascars désorientés.
L’Astrolabe se fige contre la banquise. Je m’émerveille devant l’étendue blanche devant nous. Elle est magnifique malgré sa simplicité et dégage une puissante impression de pureté. L’air est clair et l’on voit loin. La blancheur n’est interrompue que par des groupes de manchots en file indienne, arrivés du continent pour aller se nourrir dans la mer.


La plupart des passagers ont pour destination finale Dumont d’Urville, la base côtière française, située de l’autre côté de la banquise à une dizaine de kilomètres de là. Des hélicoptères se relaient pour les y emmener, eux et du matériel arrivé avec nous. Mais les quelques passagers qui se rendent à Concordia restent à bord. Alors que nous pensons le voyage presque terminé, nous apprenons qu’aucun avion ne peut nous porter à la base pour l’instant.

Une tempête approche. L’équipage ne veut à aucun prix s’y retrouver piégé. Comme il n’y a pas de place pour nous à Dumont d’Urville, notre meilleure chance est de nous réfugier derrière un énorme iceberg situé à une centaine de kilomètres de là. Nous espérons l’atteindre avant que le vent se lève.
Le brise-glace, presque vide, repart vers l’océan.
Chouette, une nouvelle saison de Walking on Red Dust !
Je mets à jour mon flux RSS immédiatement.
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Je commence seulement à lire l’aventure et déjà c’est le dépaysement.
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